▬ " Hati, mais c'est quoi ce nom ? " Cette tête blonde n'était pas la première à se poser la question et ne serait probablement pas la dernière. Face au garçonnet massif qui devait amplement profiter de la nourriture graisseuse dont devait être rempli à foison son foyer, Hati faisait assez fluet et pourtant il s'était un peu étoffé depuis qu'il s'était prit de passion pour la boxe. Dans tous les cas l'humour de son interlocuteur ne saisit personne autour d'eux et le petit brun pu sans crainte se détourner de l'idiot qui ne cherchait là qu'une manière de se faire voir dans l'établissement qu'il venait tout juste d'intégrer. Il n'adoptait pas là la meilleure manière de se faire bien voir ici le bouboule mais Hati décida qu'il n'allait pas lui faire la faveur de le prévenir, cela n'en valait guère l'intérêt.
Cependant si vous aussi vous vous posez cette question comme beaucoup d'autres avant vous: Hati provient des mythes de l'Europe du Nord, textuellement cela veut dire Haine, charmant nom à donner à un enfant n'est-ce pas ? Dans la mythologie nordique Hati est le loup, petit fils de Loki, qui passe son éternité à courir après la lune pour l'avaler. Et maintenant vous vous demandez sérieusement qui a pu un jour avoir l'idée de donner un tel nom à son enfant ? Eh bien prenez une professeur d'arts plastiques vivant pleinement sa passion des cultures celtiques et nordiques et un professeur de chimie n'ayant guère le cœur à s'opposer aux passions de sa femme et vous aurez votre réponse. Mais sachez aussi que le principal intéressé ne s'est jamais offusqué de ce choix pour le moins étrange, d'autant plus que sa petite sœur connue le même "sort" plus qu’elle se vit affublée du nom de Sköll qui avec sa signification de Répulsion et son loup condamné à courir après le soleil se plaçait sur le même piédestal que son ainé.
Passé l'obstacle du nom, Hati eu une enfance on ne peut plus agréable, il grandit au cœur de Nashville, capitale de l’État du Tennessee, dans une famille aux passions diverses qui ouvraient sur le monde et la tolérance. Entre une mère artiste et un père scientifique le rejeton avait de quoi passer le temps. Il s'ouvrit aussi une autre voie, celle du sport mais s'accrocha aussi bien vite au 7ème art et à la biologie. D'un tempérament fort mais discret, Hati fut souvent l'ami fidèle qui ne se plaçait pas au premier rang mais vers qui l'on se tournait pour quérir un avis avisé. Il s'arrogea aussi le rôle de grand-frère protecteur auprès de sa pétillante sœur qui passait son temps à regarder en l'air au lieu d'observer dans quoi elle marchait.
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▬ " Joli tatouage. " Elle était là, posée sur le rebord de la fenêtre, une tasse à la main. Sa charmante sœur et sa vie de bohème adoraient lui rendre visite depuis qu'il avait élu domicile à New-York, la ville n'était qu'un gigantesque terrain de jeux pour la demoiselle qui était ravie d'avoir ainsi un pied-à-terre au cœur de Brooklyn. Encore peu réveillé Hati lui lança un regard interrogateur alors que ses pieds se trainaient jusqu'au réfrigérateur. La miss esquiva un geste sur sa joue avec un air amusé.
" Soit tu n'as pas dormi sur ton lit soit ton classeur t'a battu cette nuit. " Le jeune homme posa sa main sur sa propre joue et sentit les marques consciencieusement dessinées par les arcs métalliques de son classeur de notes... C'était là les aléas de ses études et il allait oser espérer que cela s'effacerait avant sa première heure de cours du jour.
" C'était quoi ? Le système vasculaire du pied ou le germe le plus résistant chez la souris ? " Trop d'entrain et de bonne humeur de bon matin, Hati marmonna quelques mots alors qu'il engouffrait sa tête dans le réfrigérateur pour en ressortir sa brique de jus d'orange. Finalement chacun avait choisi la voie d'un de ses parents, Hati avait laissé de côté son intérêt pour les œuvres cinématographique et s'était porté vers la médecine tandis que sa sœur semblait vouloir vivre des arts faisant peu à peu sa place dans les galeries. Des vies différentes qui ne les éloignaient pas pour autant comme leur parent avant eux, il avait grandit en mélangeant les genres et continuaient donc ainsi.
La demoiselle fini par descendre de son perchoir en prenant la direction de l'évier tandis que son frère attaquait la brique comme la bouée qui l'aiderait à sortir des brumes du sommeil sans même user d'un verre.
" Eh bien pendant que tu apprends à sauver des vies moi je vais aller voir les nouveautés du MoMA ! " Hati avala une énième gorgée avant de décrocher du goulot pour jeter un coup d’œil à sa sœur.
▬ " Tu n'as pas envie d'échanger ? Tu iras sauver les corps pendant que je sauverais les âmes. " La demoiselle posa la tasse fraichement rincée sur le bord, essuya ses mains et se tourna vers Hati avec un sourire.
▬ " Oh non, je te laisses les corps avec grand plaisir. " N'allez pas croire, notre jeune apprenti chirurgien aimait ses études, il ne reniait pas son engagement mais il y avait des matins plus difficiles que d'autres où il avait lui aussi bien envie d'arpenter les allés des musées. Mais ce genre d'activités ne serait pas pour tout de suite, le repos et le divertissement allaient être des options durant quelques années encore et même après il n'avait guère choisi la vie la plus amusante.
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▬ " Hati c'est ça ? Ne vous inquiétez pas, on va vous sortir de là. " S'inquiéter ? Non il n'était plus en état de s'inquiéter, cela faisait déjà un long moment qu'il ne sentait plus son bras, son corps s'engourdissait sous l'effet de la perte de sang et des multiples traumatismes. Il n'arrivait pas à bouger mais son esprit arrivait à déceler les signes qu'il avait appris à identifier durant toutes ses années d'études. À l'extérieur de l'amoncellement de carcasses de véhicule il entendait l'agitation des secours, s'il en avait eu encore la force il aurait probablement passé le temps en se lançant dans son auto-diagnostique complet mais à présent il tentait surtout de rester conscient, suivant la voix de l'homme qui lui parlait à nouveau.
Ce n'est qu'à son réveil bien plus tard qu'il pu constater l'étendue des dégâts, même sous l'effet de la morphine il pu lire l'angoisse dans les yeux de sa famille avant que son propre regard analyse la situation. Au milieu des diverses contusions et traumatismes le point majeur prenait pour forme l'entière absence de son bras gauche. Disparu, retiré pour un mélange de trop longue compression et de membre en charpie et avec lui cette vie s'envolait. Lui le titulaire d'un diplôme en chirurgie ne pourrait plus jamais exercer ce métier à qui il avait donné la dernière décennie de sa vie. Le récent poste qu'il avait enfin obtenu pour revenir à Nashville, n'était plus qu'un lointain souvenir et le choc assomma Hati durant de longs jours le plongeant dans un silence que personne ne réussit à rompre.
Ce n'est que quelque temps plus tard, lorsqu'il allait sortir de l'hôpital qu'une imprévue opportunité se présenta à lui. Des officiers se présentèrent à lui avec une proposition: servir de cobaye à une toute nouvelle forme de prothèse qui devait par la suite servir aux blessés de guerre. Éveillant la fibre médicale de Hati mais aussi et surtout son intérêt tout égoïste il accepta de les suivre puis d'accomplir cet essai. Mais même si l'appareil est encore aujourd'hui bien incroyable, Hati refusa de reprendre son poste de chirurgien, il refusa même d'être intégré au pôle médical de Fort Detrick estimant qu'il n'était pas responsable de le laisser remettre les mains dans un corps humain même avec ce performant bras artificiel. Il avait définitivement tourné cette page et décida de changer de voie, retrouvant les salles obscures qu'il avait délaissées depuis ses années lycéennes.
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▬ " ... Ce serait bien que tu viennes Hati, ça fait longtemps qu'on ne t'a pas vu mais je sais que tu trouveras une excuse... " Il n'avait guère besoin de la voir pour sentir la désapprobation de Sköll alors qu'il entrait dans le bâtiment, son portable coincé entre son oreille et son épaule. Il était plus d'une heure du matin, au beau milieu de la semaine, il n'y avait pas âme qui vive et Hati écoutait le message qui avait été laissé sur son répondeur dans la soirée. Il raccrochait sans trop savoir s'il allait rappeler sa sœur demain lorsqu'il s'immobilisa, une silhouette se tenait là dans le coin le plus obscur du couloir. Il aurait pu ne pas la voir mais son regard était habitué à l'obscurité et il percevait cette étrange présence.
▬ " Bonsoir... Je peux vous aider ? " C'est ainsi qu'il rencontra cette demoiselle effarouchée, il ne savait pas d'où elle sortait ni ce qui l'avait amené jusqu'ici mais c'est patiemment qu'il commença à acquérir sa confiance. La miss trouva refuge chez lui et bien vite il comprit qu'elle n'était pas comme tout le monde. Peu à peu il apprit son histoire et devina l'origine de ses fascinantes capacités, il comprit aussi bien vite qu'elle n'était pas seule et que l'armée qu'il aidait en portant leur création n'avait pas que des bonnes idées dans ce Fort. Un autre monde s'ouvrait avec cette étrange apparition nocturne qui vit encore aujourd'hui chez lui et qui s'ouvre doucement à la vie malgré le danger qui plane. S'il ne regrette pas d'avoir dû ouvrir les yeux ou de s'être engagé en cachant la demoiselle chez lui, il ne sait plus trop quel profil il doit adopter alors qu'il se rend régulièrement à la base militaire pour le suivi de cette prothèse qui attire un peu plus les regards avec les événements qui agitent la ville.